Le Mur
par G Diesel
Il
était une fois un noble guerrier qui avait passé la plus grande partie
de sa vie de part le monde à défendre sa patrie et les intérêts de son
peuple. Enfin, après des années de bataille et usé par la guerre, ce
héros commença le voyage du retour, pour revenir à sa ville natale et
retrouver son peuple et la culture qu'il aimait tant, un lieu de paix
et de bonheur où la nourriture était délicieuse et abondante et où le
vin coulait à flots. Il savait que son voyage serait long et ardu, mais
que le but en valait bien l'effort.
Pendant de nombreuses
années, il poursuivit son périple, suivant d’un pas lourd un chemin
rude que personne n’avait jamais emprunté, jonché d'embûches et de
terrains rocheux, fourmillant de bêtes sauvages et d’adversaires
sanguinaires qui le guettaient au coin de chaque tournant, cherchant
tous à tester ses forces et son endurance. Il surmonta toutes les
épreuves rencontrées en cours de route, la vision de la terre promise
qu’il abritait dans son cœur le poussant toujours en avant.
Arrivé au sommet d’une colline, non loin des limites de la ville, il
vit qu’il avait finalement atteint sa destination. Ce qu’il aperçut
cependant lui causa un sentiment de profond désespoir. La ville qu’il
aimait tant, avait connu, pendant sa longue absence, beaucoup de
bouleversements et de conflits. Afin d'assurer leur sécurité, les
habitants avaient érigé une muraille de mortier et de briques de
cinquante pieds de haut et de dix pieds d’épaisseur. Nul ne pouvait la
franchir, que ce soit pour rentrer ou pour sortir. Bien que paix et
prospérité soient revenues, la ville était restée murée et isolée.
Sachant fort bien qu'il ne pourrait jamais franchir un tel édifice, le
guerrier finit par comprendre ce qu’il fallait qu’il fasse. Son seul
espoir, aussi futile soit-il, était de passer à travers la muraille. La
détermination du guerrier était à la hauteur du défi. Pendant les
années qui suivirent, il s'acharna à la tâche, assenant des coups de
bélier au mur et dépensant ses forces sans compter. Il lutta à coups de
pied et de poing et de hache... Maintes fois, s'élançant à toute
allure, il vint s'écraser avec une violence inouïe contre les
fortifications, appelant de ses vœux leur destruction. Maintes fois, il
réussit à les faire trembler mais, une fois l’instant passé, celles-ci
continuaient toujours de le défier, immuables et inébranlables.
Au fil des ans, les forces du guerrier, naguère puissantes,
s’estompèrent. Il vint à se lasser de ce combat ingrat. Ses mains et
pieds le suppliciaient ; ses os et muscles lui faisaient souffrir le
martyre. La faim, la soif et la fatigue l’accablaient. Enfin, le jour
vint où il ne put plus frapper le mur. C’était une journée magnifique,
ensoleillée, où le chant des oiseaux se faisait entendre dans les
arbres. Rompu, brisé de fatigue, le noble guerrier s’effondra alors en
s’appuyant sur le mur. C’est là qu’il se coucha, à la fraîcheur de la
brise printanière, pour rendre l’âme. Au bout du compte, ce n'était pas
un si mauvais endroit où mourir. Le grand guerrier s’éteignit donc et
son âme passa dans l’autre monde.
Alors que les rayons du soleil illuminaient la dépouille mortelle de
cet homme brave et que de petits animaux bruissaient dans les bois
environnants, un papillon survint, survolant la scène. Battant des
ailes au-dessus du corps du guerrier, il flotta vers le mur,
atterrissant avec grande délicatesse sur l’imposante barrière. C’est
alors qu’au contact imperceptible de ses pattes minuscules, une grande
fissure s’ouvrit sur toute la hauteur du mur, lézardant le puissant
rempart de haut en bas et déclenchant un effondrement cataclysmique qui
ne laissa derrière lui qu’un simple tas de gravats. Le grand obstacle
avait maintenant disparu. Les portes de la ville étaient désormais
ouvertes ; le guerrier à jamais enseveli sous les décombres.
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