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Sur le fil du rasoir
par Ox
Parlons de l'entraînement. Ceux qui me connaissent savent que je n'en
parle pas souvent, étant donné que je trouve généralement que la
nutrition est un sujet beaucoup plus intéressant. Mais dernièrement,
j'ai beaucoup réfléchi à la question de mon entraînement. C'est un
exercice auquel il faut se soumettre de temps à autre afin de
déterminer si on va ou non dans la bonne voie. L'entraînement, en fait,
c'est un peu comme un voyage en auto : quand on prend un mauvais
virage, ça peut prendre du temps rien que pour retrouver le bon chemin.
Le problème, c'est qu'on n'a pas de temps à perdre. Les reps défilent
et se transforment en séries ; les séries s'accumulent et ponctuent les
séances d'entraînement ; et à leur tour, les séances d'entraînement
jalonnent les programmes d'entraînement. Avant qu'on s'en aperçoive,
une année entière s'est écoulée. A ce stade, le dernier endroit où l'on
veut se retrouver, c'est au croisement de « Ai-je réussi à faire autant
de progrès que possible ? » et « Qu'aurais-je dû faire différemment ? ».
J'ai toujours été de l'avis que l'entraînement doit se faire à fond, «
balls to the wall ». Autrement, pourquoi s'entraîner ? Réfléchissez-y
donc ; on pourrait soulever de la fonte toute la journée si on se
reposait assez longtemps entre les séries et si on n'allait jamais
jusqu'à l'échec musculaire. Ça ne sert pourtant vraiment à rien de
s'entraîner si on ne le fait pas avec intensité et si on ne va pas
jusqu'à l'échec. Si on considère l'éventail des possibilités comme
ayant d'un côté, le genre d'entraînement où on se donne à fond, « balls
to the wall », jusqu'à l'échec, jusqu'à se tuer, et de l'autre côté, un
manque total d'activité physique, pas le moindre entraînement, et bien
se retrouver à n'importe quel point entre les deux n'a aucun sens. Si
vous avez un certain niveau d'activité physique et que tout ce que vous
voulez faire, c'est rester en forme, tant mieux pour vous ; je vous
présente mes excuses. Mais pour tous ceux qui ont de réelles
aspirations en matière de musculation, rien de moins qu'un entraînement
hardcore, à fond, fidèle à la tradition d'Animal, ne fera l'affaire.
Ceci dit, même si je crois fermement à l'entraînement intensif, je ne
crois pas aux règles absolues. Rien n'est infaillible. C'est pourquoi
il est irréaliste d'aller s'entraîner toutes les semaines en
s'attendant à ce que chaque nouvelle séance soit meilleure que la
précédente. A mon avis, cela pourrait d'ailleurs nuire à vos progrès. «
Vraiment ? », me dites-vous. Permettez que je vous explique le
problème. L'autre jour, je parlais avec un gars qui essayait de me
convaincre du bien-fondé d'un principe d'entraînement où, chaque
semaine, on augmente le poids de fonte qu'on soulève, tout en prenant
des notes dans un petit carnet. Je lui ai rétorqué que non seulement la
quantité de fonte, ce n'était pas la chose la plus importante, mais que
si on en augmentait le poids toutes les semaines, au bout de 10 ans, on
devrait être capable de faire des développés couchés de 450 kilos, ce
qui est complètement idiot. Il est absurde de s'attendre à ce que
chaque nouvelle séance d'entraînement établisse un nouveau record de
performance.
Si on s'attend à ça et si on sacralise des chiffres dans un carnet, on
court à la blessure ; on va sacrifier la technique d'exécution et / ou
négliger de conserver une bonne connexion neuro-musculaire. Quoi qu'il
en soit, le fait est qu'on ne fera pas le nécessaire. Et il y a une
différence entre ce qui est nécessaire et ce que l'on veut. Si vous
voulez vous occuper d'un petit carnet et des chiffres que vous y
inscrivez, je peux vous dire tout de suite que ça ne va rien vous
apporter, pas une putain de chose. Vous êtes des hommes, pas des
machines. Si vous étiez une machine, vous pourriez continuellement
faire la même chose et obtenir des résultats. Mais vous n'en êtes pas
une et vous n'obtiendrez rien d'essayer de vous entraîner de cette
manière.
Quiconque s'est déjà donné à fond en salle de musculation sait qu'on ne
peut pas le faire jour après jour, entraînement après entraînement,
sans que cela mène au surentraînement. Mais, me direz-vous, n'ai-je pas
dit justement qu'il fallait de l'intensité et qu'il fallait y aller
jusqu'au bout, « balls deep » ? Certes. Mais quand on est sur le fil du
rasoir et qu'on est sur le point de plonger dans le surentraînement,
faut savoir décrocher. Quand on essaye d'établir un nouveau record à
chaque entraînement, on court inévitablement à la défaite. En revanche,
si on s'entraîne comme une putain de mauviette, on ne risque pas de
faire de progrès.
Je suis convaincu que la musculation, c'est un sport bâti sur des
extrêmes. Pour obtenir des résultats extrêmes, il faut prendre des
mesures extrêmes. Ceci dit, il faut aussi savoir se modérer avant de
basculer. Cette philosophie est toute aussi valable pour l'entraînement
que pour les régimes. Vous n'avez aucune idée du nombre de gars que
j'ai rencontrés qui ont tellement les jetons de perdre de la masse
qu'ils ne suivent jamais un régime suffisamment strict pour avoir le
physique écorché dont on a besoin en compétition. De même, je connais
tout autant de gars qui suivent des régimes démentiels et finissent
avec un physique de merde. Il faut suivre un régime STRICT et le
poursuivre jusqu'à l'épuisement, et ensuite faut décrocher. Si vous me
dites qu'il est plus judicieux de tout simplement ne pas s'épuiser en
premier lieu et de se la couler douce, alors je dois vous dire, vous
allez finir comme les gars qui ne se mettent jamais en forme.
De même, je connais des gars qui se donnent des prétextes bidons pour
ne pas faire des squats ou des soulevés de terre. Je connais aussi des
gars qui exécutent ces mouvements assez régulièrement, mais juste pour
pouvoir dire qu'ils les ont faits. Et puis je connais des gars qui
peuvent consacrer toute une séance d'entraînement rien qu'aux squats et
aux soulevés de terre. Un nombre élevé de répétitions, un faible nombre
de répétitions, une pause momentanée au bout d'un mouvement pour
permettre à quelqu'un de retirer des disques afin d'accélérer la
transition entre séries, des répétitions forcées - quoi qu'il faille
pour être en équilibre sur le fil du rasoir... c'est ça qu'il faut
faire. Mais pour réussir avec cette approche, il faut savoir quand les
grands efforts virent à l'excès et donc quand il est temps de
décrocher.
Si vous ne vous poussez jamais jusqu'à la limite ou si vous ne risquez
jamais d'en faire trop, vous resterez médiocres. Si vous faites partie
de ces gars qui veulent être les mecs les plus hardcore au monde et qui
poussent constamment comme des malades pendant l'entraînement, vous
resterez tout aussi médiocres. Il faut faire preuve de jugement pour
déterminer avec précision ce qui constitue le fil du rasoir et ce qui
nous en sépare. Il faut avoir les tripes de s'en approcher aussi près
que possible et le jugement de s'en éloigner avant de chavirer.
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